France
Pesticides, produits chimiques, plomb…
ce que j’ai trouvé en analysant mes cheveux
On peut faire attention à son alimentation et découvrir pourtant que son corps est contaminé par divers pesticides et métaux lourds. C’est l’expérience qu’a vécue notre journaliste : elle nous livre ici les résultats de ses analyses et ses résolutions pour éviter ces pollutions.
« Vous n’êtes pas enceinte, par hasard ? Pour des raisons déontologiques, on ne pratique pas le test sur les femmes enceintes. » Lors d’un premier entretien téléphonique, le ton est donné. Je rassure mon interlocuteur (« Non non, enfin, j’espère pas »), qui m’explique ensuite comment pratiquer le test : « Une cinquantaine de cheveux, longs de trois centimètres, coupés au ras du crâne, pour déterminer vos différentes sources d’exposition à des polluants depuis les trois derniers mois. » Comme José Bové, Nicolas Hulot ou plus récemment les enfants des journalistes de Marie Claire, j’ai décidé de faire analyser les pesticides, produits de synthèse et autres perturbateurs endocriniens présents dans mon corps.
Au début, j’étais plutôt sereine en soumettant l’idée à la rédaction de Reporterre. Inscrite depuis le mois de septembre dans une Amap, je me nourris majoritairement bio et de saison. Mais qu’importe les panais, les blettes et autres fenouils que j’engloutis quotidiennement, mes analyses sont édifiantes. Comme le résume Matthieu Davoli, à l’origine du nouveau test toxseek, capable de détecter près de 1.800 polluants organiques et 40 métaux lourds, « on baigne tous dans un bain chimique ».
Étape 1 : « Des pesticides qui ne font pas l’objet d’une enquête »
Résultat : contaminée par « seulement » huit molécules à des seuils importants, je fais plutôt office de bonne élève, me dit-on. « Mais vous avez beau avoir une vie saine, on trouve quand même des choses inquiétantes », assure Matthieu Davoli avant de poursuivre : « Vous devez manger beaucoup de viande ou de fromage, non ? » Touché. Si je suis végétarienne depuis des années, je continue de me gaver de comté, surtout quand il est trempé dans la moutarde. Le test a en effet révélé la présence de trois vermifuges dans mon corps, dont deux à un niveau « alerte » (l’aspinidol et le desaspidin) et un à un niveau « élevé » (l’ascaridol). Bon, que les choses soient claires. Je n’ai jamais eu de ver ni ingurgité volontairement un vermifuge. On m’explique alors que « ce sont des produits utilisés par le milieu vétérinaire pour traiter les animaux, c’est normal que vous en retrouviez après dans votre alimentation ».
Problème : ces produits auraient des effets secondaires fréquents sur la santé : « Maux de tête, nausées, étourdissements et malaises abdominaux ».
Si j’ai la « chance » de ne pas avoir de glyphosate à un taux inquiétant, je découvre aussi l’existence d’un certain methasulfocarb qui a pris ses quartiers dans mon organisme, en niveau « alerte ». Ce fongicide, extrêmement nocif pour les poissons, est considéré comme « dangereux » pour les humains par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Vous mangez régulièrement du riz ? » me demande Matthieu Davoli. J’opine de la tête, presque penaude. Retiré du marché en Europe, le pesticide est toujours répandu sur le riz dans certains pays d’Asie. « Comme il n’est pas utilisé en France ou dans l’Union européenne, on ne retrouve pas sa trace dans les bases de données », m’explique François Veillerette, de Générations futures, avant de poursuivre, un brin enthousiaste : « C’est tout l’intérêt de ce type de test. On découvre de nouveaux pesticides, qui ne font pas encore l’objet d’une enquête ! » Rassurant.
Dernier polluant en niveau « alerte », le dioctylphthalate (DNOP), un intermédiaire de synthèse, employé par l’industrie chimique et l’agroalimentaire pour servir de plastifiant ou d’agent fixateur. Le souci est que les phtalates peuvent être présents un peu partout dans mon logement, comme le rappelait Reporterre, dans mes cosmétiques, voire dans les jouets pour enfants. « C’est un polluant extrêmement répandu, on le retrouve à l’état de trace chez tout le monde, confirme François Veillerette. Il est plus compliqué d’identifier les sources de contamination. » Or, je vais devoir très sérieusement me pencher sur la question car les conséquences des phtalates peuvent être redoutables. Inscrit par la Commission européenne dans l’annexe I des 553 substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, le DNOP serait ainsi susceptible « d’entraîner un dérèglement du système endocrinien des hommes et des animaux, et d’avoir des effets néfastes sur la santé en provoquant des cancers, des modifications du comportement et des anomalies de la reproduction ».
bonne résolution
Je réduis ostensiblement ma consommation de fromage et j’achète du riz de Camargue ou d’Espagne. Concernant le dioctylphthalate, je fuis les emballages alimentaires en plastique et favorise les cosmétiques naturels.
Étape 2 : « Le plomb affecte tous les animaux »
« Vous êtes allés en Bretagne récemment ? m’interroge Matthieu Davoli. Normalement, ce sont plutôt les Bretons qui ont un taux d’uranium élevé. » Les yeux dans le vague, je repense à mon dernier week-end, il y a quelques semaines, dans le Morbihan. Après quelques recherches, je découvre qu’une filiale d’Areva avait exploité l’uranium dans une quarantaine de mines bretonnes, jusqu’en 1984. Et que les sites seraient toujours contaminés par ces matières radioactives. Impossible pour autant d’assurer avec certitude qu’il y a un lien de corrélation, les analyses détectant les contaminations depuis ces trois derniers mois. « Mais à terme, sur certains métaux lourds comme l’uranium, l’arsenic ou le nickel, on pourra identifier les zones à risques où il y a des pollutions particulières », espère François Veillerette.
Le strontium est le deuxième métal lourd dans mon organisme dont le niveau est en alerte. « On l’observe des quantités élevées chez les noyés, car il est naturellement présent dans l’eau de mer, commente Matthieu Davoli. On le retrouve aussi dans les produits d’entretien ou certains aliments, comme les produits laitiers. » Sauf qu’à haute dose, le strontium provoque des troubles osseux. Mais François Veillerette me rassure : « Tout le monde en a. Là, c’est l’exposition sur plusieurs mois qui est mesurée, il n’y a pas d’alerte sanitaire à tirer. »
Dernier polluant inorganique à des taux d’exposition « alerte » : le plomb. Là encore, il n’est pas évident d’identifier les sources potentielles. Je jette un premier coup d’œil à l’eau qui coule de mon robinet. Coupable ? Peut-être bien. En 2017, l’Agence de sécurité de l’alimentation (Anses) avait ainsi publié une expertise qui indiquait que la présence du plomb serait liée aux vieilles canalisations. Mais je pourrais tout aussi bien accuser les peintures de mon immeuble ou les vitraux de l’église d’à côté. Ou encore les chasseurs de l’Oise. L’Agence européenne des produits chimiques (AEPC, ou ECHA en anglais) estime ainsi que près de 40.000 tonnes de plomb sont dispersées, chaque année, dans les écosystèmes, dont « 21.000 tonnes utilisées par les chasseurs ». Selon l’AEPC, ce serait jusqu’à deux millions d’oiseaux qui meurent chaque année d’intoxication au plomb en Europe. « Le plomb affecte tous les animaux sur lesquels il a été étudié, des oiseaux migrateurs aux humains (…) en particulier sur le développement du cerveau ou sur le rein. » Bon, ça va alors…
bonne résolution
Pour éviter le plomb, je laisse couler l’eau avant de boire, pour éviter celle qui a stagné dans les canalisations. Quant au strontium et à l’uranium, il est encore trop tôt pour émettre des hypothèses. Dans le doute, je vais peut-être attendre un peu avant de retourner dans le Morbihan.